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LA REPRISE DU FINANCEMENT DES ZONES DE SECOURS PAR LES PROVINCES : l'ETUDE CIRIEC REBAT LES CARTES

Publié dans Budget et finances

Dans sa note au Gouvernement du 9 juillet dernier, le Ministre des Pouvoirs locaux faisait état de sa décision de confier progressivement aux Provinces jusqu’à 60 % du financement des zones de secours d’ici 2024. Les analyses faites au niveau provincial ont toutes été sans appel : une telle décision impactera drastiquement les finances de l’Institution et donc le fonctionnement de ses services et les missions qu’elle mène au quotidien en faveur des citoyens, des associations et des Communes.

L’Association des Provinces wallonnes a, dès lors, décidé de commander une étude afin de réaliser, de la manière la plus transparente possible, un diagnostic de la situation financière des Provinces wallonnes. Cette mission a été confiée au CIRIEC à l’issue d’un marché public.

Ce travail d’objectivation vise à accompagner les Provinces et le Gouvernement dans l’identification des véritables marges de manœuvre existantes dans l’optique de la reprise du financement communal des zones de secours.

Il en ressort, tant de l’examen juridique que de l’analyse financière, qu’une prise en charge du financement à 60 % de cette mission de sécurité civile est irréaliste pour l’Institution provinciale.

En effet, d’un point de vue juridique, trois constats ont été établis et validés par le CIRIEC :

1 -  la réforme porte atteinte à la répartition des compétences matérielles : l’organisation et le financement des zones de secours ne relèvent pas de la compétence matérielle de la Région wallonne. La protection civile est une compétence exclusivement fédérale ;

2 -  la réforme est illégale en ce qu’elle porte atteinte au financement général des Provinces : en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles, la Région wallonne est compétente pour le financement général des Provinces. En ce sens, conditionner la liquidation du fonds des Provinces (dotation générale et non affectée) à la prise en charge de missions spécifiques (financement des zones de secours) est illégal. La Section législation du Conseil d’État avait d’ailleurs, en 2014, émis un avis négatif quant aux 2 x 10 % du fonds des Provinces que la Région wallonne entendait consacrer, d’une part, à la supracommunalité et, d’autre part, aux zones de secours ;

3 -  la réforme est inconstitutionnelle en ce qu’elle viole l’autonomie provinciale : en cas de poursuite de la réforme et de dépassement du fonds, les Provinces wallonnes seraient dans l’impossibilité de poursuivre d’autres missions relevant de « l’intérêt provincial », ce qui les prive de l’essentiel de leurs compétences en violation de l’autonomie provinciale consacrée par la Constitution et la Charte européenne de l’autonomie locale. Le dépassement du fonds des Provinces ne peut donc, en aucune manière, être envisagé.

En dépit de cela et malgré des délais très courts, les Provinces, en gage de bonne volonté, ont  tout mis en œuvre pour pouvoir opérer une modification, en plein exercice budgétaire, afin de rencontrer l’exigence d’un transfert de 20 % du montant en 2020 et ensuite pour dégager 30% du montant pour l’année 2021 (en sus des 10 % du fonds des Provinces déjà consacrés aux zones de secours, soit plus d’1/3 du financement communal des ZS).

Elles s’engagent également, dès à présent et concrètement, à travailler dans la perspective des 40 % (soit 78.397.754,68 euros selon la note d’orientation de mars 2020).

Cette bonne volonté se heurte cependant aux réalités objectives des disponibilités financières des Provinces. Aller au-delà relèverait de l’irresponsabilité. Les Provinces doivent, dès lors, définir, avec la Wallonie, une trajectoire budgétaire crédible et sécurisée pour les années à venir.  

Ainsi, nous demandons au Gouvernement wallon de mettre en place une évaluation objective des disponibilités financières réelles des Provinces et de s’engager à :

  1. Plafonner la reprise du financement communal des zones de secours à 40 %.

Après examen des réalités financières provinciales et des projections budgétaires liées au financement des zones de secours, il apparait que, au-delà de 2022, la situation deviendra tout simplement intenable et des mesures drastiques devront être prises qui auront pour conséquences :

-     des licenciements ;

-     l’abandon de missions dans les secteurs qui participent à la cohésion sociale, dont les acteurs sont déjà fragilisés par la crise sanitaire (Santé, Social, Culture, Enseignement…). Il sera, en effet, impossible d’immuniser les secteurs déjà en souffrance ;

-     l’abandon de certaines missions en soutien aux Communes et au secteur associatif ;

-     l’abandon de missions déléguées puisque les Provinces exercent certaines missions pour le compte de la Région wallonne ou de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

D’autant que, au-delà de ces 40 %, le risque de dépassement du fonds des Provinces est élevé. Or, comme rappelé ci-avant, le dépassement du fonds des Provinces ne peut être envisagé, s’agissant d’une violation de l’autonomie provinciale.

2. Figer, de manière définitive, les montants en numéraire du financement des ZS par les Provinces en se basant sur les chiffres de la note au GW de mars 2020 et de la circulaire de juillet 2020 et non plus sur des pourcentages qui rendent les finances immaitrisables (inflation méconnue).

3. Abroger l’article L2233-5 du CDLD : supprimer les 10 % du fonds des Provinces qui doivent être affectés à des actions additionnelles de supracommunalité et modifier les 10 % du fonds des Provinces affectés aux zones de secours pour permettre le versement directement aux zones et non aux Communes.

4. Etre présent et représenté dans les Conseils et Collèges de zone sur base du principe de « qui paie décide ».

Au vu ces éléments, l’APW demande à la Région de réenvisager les contours de la réforme dans les prochains mois afin de prendre le temps d’analyser les premiers impacts de celle-ci sur les dépenses provinciales et d’envisager la suite du processus, avec l’ensemble des acteurs concernés, sur base des réalités objectives des budgets provinciaux. Les Provinces privilégient la concertation avant d’activer toute démarche à caractère juridique.

En effet, la Wallonie doit, à son tour, marquer sa bonne volonté car, à aucun moment, il n’y a eu un débat de fond sur la faisabilité d’atteindre un tel objectif. Or, le transfert financier, à terme, équivaut, en tenant compte des évolutions probables des zones, à ½ milliard pour l’ensemble de la législature.

Les Provinces tiennent au respect de l’esprit de la Déclaration de Politique régionale qui vise à alléger les finances communales et non à refinancer les zones de secours.

Dernière modification le vendredi, 22 janvier 2021 08:23