LE TEMPS DES DOUTES (2006-2009)
Le doute sur la viabilité institutionnelle du Hainaut
Tant à l’occasion des élections provinciales et communales de 2006 qu’aux élections régionales de 2009, des voix se sont multipliées pour stigmatiser une institution provinciale vouée à disparaitre et à se dissoudre dans un nouvel espace institutionnel au contour, il est vrai, particulièrement incertain. La Déclaration de Politique Régionale du Gouvernement wallon annonçait même sa transformation progressive en « communautés de territoires ».
Le doute sur la viabilité financière de la Province
Plusieurs paramètres avaient progressivement plongé la Province dans un marasme financier particulièrement inquiétant.
L’augmentation considérable du coût du personnel (240%) et des coûts de fonctionnement (168%) dans la décennie précédente (1996-2006) à fait exploser les dépenses ordinaires.
La fin de recettes suite à l’adoption du Plan Marshall s’est traduite par une perte de plus de 21,5 millions en base annuelle.
La crise bancaire de 2009 a eu pour effet la suppression des dividendes de Dexia pour 3,6 millions.
Cela représente au total plus de 25 millions de rentrées en moins chaque année avec, dans la foulée, l’obligation de rembourser la Taxe Industrielle Compensatoire (-13,5 millions).
Les premières estimations pour la réflexion autour du budget 2010 faisaient apparaitre un déficit de plus 27 millions qui nous plaçait devant l’incapacité de faire face à l’augmentation des coûts de personnel (plus de 70% des dépenses ordinaires).
Dans ce contexte, la perspective d’une restructuration planait comme une menace presque inéluctable.
Dans le même temps, la Cour des comptes épinglait la Province et ne mâchait pas ses mots à l’égard de dysfonctionnements au sein de l’institution.
Le doute sur la capacité de modernisation de la Province
Il faut bien reconnaitre que la plus vieille des institutions de ce pays trainait une image de ringardise et d’archaïsme qui n’était pas complètement usurpée.
En Hainaut, l’éclatement géographique entre des territoires aux réalités sociologiques, culturelles et sociales très différentes (Charleroi, Centre, Mons-Borinage et Wallonie picarde) ne favorisait pas la lisibilité et la cohérence provinciale. La concurrence et les stratégies sous-régionales s’étaient faites au détriment de certaines parties de la Province. L’ex-Hainaut occidental était, par exemple, loin d’y trouver son compte.
LE TEMPS DES REFORMES (2010-2014)
Le temps de la prise de conscience et de l’exigence des réformes s’est imposé comme une évidence à la faveur de la fin d’un mythe bien ancré dans les trois grandes familles traditionnelles de l’époque et qui consistait à croire que la Région viendrait finalement toujours au secours des Provinces en difficultés. Le message envoyé depuis Namur était clair : les solutions devaient venir de la Province elle-même et c’était d’ailleurs bien normal.
Il était inutile d’encore se bercer d’illusions, nous étions (à l’instar de bien d’autres pouvoirs locaux) placés devant un dilemme assez classique. Soit, la solution de facilité qui consistait tout simplement à augmenter les taxes et à s’engager dans une restructuration du personnel. Soit s’engager dans une démarche plus difficile et audacieuse certes, mais innovante et solidaire qui excluait dès le départ le recours à des licenciements et à une augmentation de la pression fiscale.
C’est sans hésiter que nous avons opté pour la deuxième hypothèse. Notre choix s’est articulé autour d’une triple réforme.
Une importante réforme financière.
La mise en place d’un moratoire sur le personnel, qui consiste en son non-remplacement, a permis une diminution de 400 ETP pour passer sous la barre des 4200 et a contribué à éloigner tout spectre de licenciement ainsi que toute remise en question des acquis sociaux.
Une réduction drastique des frais de fonctionnement (de -5 à -15 %), ainsi que des dépenses de transferts (subsides) (de -20 à -50%) a été opérée. Une vraie révolution pour une institution peu habituée à ce type de remise en question.
Une réforme du management
Le Plan Stratégique et Opérationnel « ADhésioN » développé pour accompagner les grandes réformes a permis de moderniser considérablement la gestion interne et le fonctionnement de l’Institution. C’est grâce à cette « feuille de route », à la mobilisation et à l’efficacité de tous les services de notre Institution que nous avons pu mettre concrètement en œuvre les difficiles mesures du plan de redressement.
Une réforme de la gouvernance
A travers la mise en place de processus participatifs, « Les midis de la Province de Hainaut », puis dans la foulée, du dispositif « La Province, actrice de son devenir » mené avec l’UMons, la Province de Hainaut a entamé sa modernisation et s’est questionnée sur son avenir. Cette consultation ayant touché plusieurs milliers de personnes a permis de prioriser nos actions et moderniser notre fonctionnement.
Cette nouvelle manière de penser la Province s’est aussi traduite à travers l’implication du personnel. La campagne ADhésioN, au cours de laquelle le Collège provincial a rencontré la plupart des agents, a permis de faire remonter les remarques et les préoccupations des agents afin de les intégrer dans le Plan Stratégique et Opérationnel.
Il convient de souligner ici le professionnalisme et le travail exceptionnel de l’administration provinciale. Sans son aide, aucune des réformes n’aurait pu aboutir.
LE TEMPS DE LA SERENITE RETROUVEE (2016)
Les bons résultats financiers
Fruit de la triple réforme, la Province de Hainaut a pu éloigner durablement le spectre d’une situation déficitaire. Le budget 2016 a traduit cette embellie.
La démarche de gestion rigoureuse, menée de pair par l’autorité politique et son administration, a permis des économies annuelles de plus de 35 millions d’euros. Et cela, de manière indolore pour le citoyen. Les taxes économiques, supprimées dans le cadre du Plan Marshall, n’ont pas été remplacées par d’autres. Tout en maintenant l’ensemble de ses services, le Hainaut a su garder un taux de fiscalité inférieur à ce qu’il était il y a 10 ans. La fiscalité propre ne représente plus que 1% des recettes et la valeur d’un centime additionnel au précompte immobilier est inférieure de 14 euros à la moyenne wallonne.
Mieux, la Province s’est préservé une réelle capacité d’investir. En faveur de son propre patrimoine mais également pour s’inscrire dans la dynamique des villes et des territoires.
Au travers d’un plan de législature inédit, c’est une somme de +/- 27 millions à l’extraordinaire qui se trouve inscrite et mise en œuvre pour financer des investissements correspondant aux demandes des territoires hainuyers.
C’est ainsi que des projets ambitieux portent la griffe d’un partenariat provincial à Charleroi (Cité des métiers et Campus technologique), en Wallonie picarde (Eurometropolitan E-Campus à Tournai, salle de sport à Ath), dans la région du Centre (Pôle culturel dans le bâtiment du gazomètre à La Louvière, Relais de la Haute-Sambre) et en région montoise (Déploiement de Hainaut-Sécurité à Lens et Jurbise, Ecole du cheval et Salle de sports au sein du centre provincial d’enseignement spécialisé de Ghlin).
La pertinence des choix posés, leur inventivité et la rigueur budgétaire qui y est associée ont valu au Hainaut un avis positif de la Cour des Comptes sur le compte budgétaire 2015.
Cette sérénité retrouvée est en fin de compte celle d’un niveau de pouvoir qui compte. Avec des dépenses annuelles de près de 600 millions d’euros, la Province est le premier des pouvoirs locaux. Elle demeure aussi en tête des principaux pourvoyeurs d’emplois en Hainaut : 4200 agents et 5500 enseignants fournissent, chaque jour, des services au citoyen. Au plus fort des difficultés, la Province a su éviter les licenciements et, contrairement à bien des pouvoirs locaux, elle s’enorgueillit d’enregistrer un taux de nomination exceptionnellement élevé de près de 70%.
LE TEMPS DES POSSIBLES (2016)
En 2017, la Province de Hainaut alignera pour la septième année consécutive une situation en boni à l’exercice propre. Le boni général devrait s’élever, quant à lui, à près de 30 millions d’euros.
La bonne santé financière retrouvée assure le maintien du financement des grandes institutions organisées par la Province dont le savoir-faire est reconnu. Pensons au réseau dense d’écoles provinciales, à la Haute Ecole Provinciale Hainaut-Condorcet, à l’Académie de police, à l’Ecole du feu ou aux centres d’accueil et d’hébergement de l’action sociale.
Nous nous engageons aujourd’hui avec conviction dans une dynamique de supracommunalité articulée autour des territoires constitutifs du Hainaut. Cette dynamique sera au centre des débats budgétaires qui s’ouvrent le 8 novembre prochain.
La Province assume déjà un co-financement annuel et récurent des zones de secours (6,7 millions en faveur 69 communes du Hainaut).
Elle offre aux communes le service de ses Centres Psycho-Médico Sociaux (CPMS), ce qui représente un coût annuel de 1,5 millions.
En 2015, environ 3500 actions supracommunales pour un montant évalué à 9 millions d’euros ont été réalisées en partenariat avec les communes : les marchés publics conjoints via Hainaut Centrale de marchés, le bibliobus de Hainaut Culture Tourisme, les activités de Hainaut Sports, les relevés de terrain de données cartographiques, les cours d'eau non navigables de 3ème catégorie, l’appui de la Cellule technique de l'environnement, les formations de l’Institut Provincial de Formation...
C’est déjà considérable. Mais le Hainaut ira plus loin au travers de son budget 2017. Une somme d’un million d’euros supplémentaire et récurent en faveur de projets à mener dans et avec les communes sera proposée par le Collège au Conseil provincial. Une politique inédite basée sur un appel à projets auprès des communes et des opérateurs supralocaux.
LE TEMPS DES NOUVEAUX DEFIS (2017-…)
Notre premier défi est de poursuivre le travail de rénovation et de redressement financier qui doit nous mettre à l’abri des mauvaises surprises financières. Si l’évolution va dans le bon sens, il serait irresponsable de baisser la garde.
Mais, il est surtout temps d’envisager enfin la stabilité institutionnelle de nos provinces dans des rapports nouveaux, solidaires et complémentaires avec les autres niveaux de pouvoir. C’est un important défi que nous allons devoir relever et qui suppose de nouvelles remises en question.
Je continue en effet toujours de penser, comme il y a 10 ans, que ceux qui considèrent que les nécessaires évolutions de la plus vielle institution du pays ne sont pas (plus) indispensables se trompent. Mais, j’estime aussi et surtout que ceux qui ne cessent de la vilipender se leurrent et trompent la population.
Ils feignent d’ignorer que l’enseignement, la formation et la culture, pour ne prendre que ces matières (dont tout le monde reconnaît par ailleurs qu’elles sont bien gérées par notre institution) représentent près de 40 % du budget provincial. Des matières qui relèvent de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui ne dispose pas des moyens financiers pour mener ces politiques. En l’état donc, le débat n’a même pas lieu d’être, nous avons beaucoup mieux à faire.
Nous avons à relever des défis sociétaux considérables et nous ne pouvons le faire qu’à travers une gouvernance « multi-niveau » ambitieuse et innovante qui fédère les moyens et les énergies des pouvoirs locaux plutôt que de continuer à les opposer dans une stérile concurrence.
Si je confesse avoir quelques doutes sur les réflexes pavloviens de quelques irréductibles adversaires des provinces, l’histoire de cette décennie passée me montre que tout est toujours possible si on y met la volonté et puis, comme le disait Aristote , « le doute n’est-il pas le commencement de la sagesse ».
Serge Hustache,
Député et Président du Collège provincial