Le débat en mode « Province, stop ou encore ? » a quelque chose d’irrationnel. Outre le fait qu’il n’a pas sa place dans le chapitre de la gouvernance mais devrait s’inscrire dans une réflexion de fond sur l’organisation institutionnelle, on le lance et le relance comme s’il était une sorte de recette miracle face au temps difficile que nous vivons.
Mais dispose-t-on de la moindre étude sérieuse qui prouverait que « le monde serait meilleur » sans les Provinces ? Peut-on avancer, de manière certaine, sur base de chiffres et d’une répartition objective des moyens, que les services rendus le seraient mieux par d’autres ?
Ce qu’il faut reprocher aujourd’hui à ceux qui la mènent n’est pas la pertinence de la réflexion sur le devenir provincial mais la méconnaissance dont ils font preuve trop souvent. Une méconnaissance qui confine parfois à de la condescendance…
Et si là résidait la racine du problème ? Quand la Province se met au service des gens et des communes, elle est reconnue par ses bénéficiaires mais cette reconnaissance n’est pas entendue ailleurs. Comme si une attitude dogmatique commandait d’ignorer les efforts provinciaux…
Aujourd’hui que la question de l’avenir provincial est posée, que son organisation politique doit être reconsidérée, saisissons l’occasion ! Et, de manière presque historique, ouvrons une porte trop longtemps restée close : celle de la concertation.
La question de la gouvernance locale ne se décide pas à quelques-uns. Elle s’inscrit dans la force du dialogue.
Elle se construit en ayant à l’esprit que la représentation démocratique directe est une richesse que l’on ne galvaude pas. On peut certes – et c’est souhaitable ! – l’améliorer, l’adapter aux réalités du temps. Mais si on la supprime, gardons-nous, au nom du citoyen, de lui préférer toute forme de technocratie.
Plus fondamentalement encore, la Province tient sa force de son personnel et de la transversalité des services qu’elle offre. En Hainaut, les opérateurs de l’enseignement, de la culture, de l’action sociale ou de la santé, pour ne citer que ceux-là, ont appris à travailler ensemble pour développer des projets cohérents. La plus-value qu’ils apportent à la population et à la dynamique des territoires ne se mesure pas en statistiques, elle est palpable dans le quotidien des gens. Et c’est cela l’essentiel.
On peut certes, dans le contexte du moment, interroger demain les citoyens, de manière abrupte, sur le maintien ou non des Provinces. Ils diraient sans doute « stop »… comme ils le feraient pour d’autres niveaux de pouvoir (à l’exception du niveau communal). Mais les questionnerait-on sur les services et les projets provinciaux qu’ils réagiraient autrement. Se passer des formations de l’Académie provinciale de police ? Ne plus piloter les travaux de restauration de la cathédrale de Tournai ? Laisser le Grand-Hornu et la maison Losseau en friche ? Confier au secteur privé les structures d’accueil des personnes handicapées ? Revoir à la baisse les ambitions éducatives de la Haute école Condorcet et de ses 9000 étudiants ? Le citoyen dirait non. Bien évidemment.
Pourtant, la Province c’est tout cela. C’est un réseau de 24 000 élèves et étudiants, c’est un patrimoine fort de 800 bâtiments, c’est une situation financière saine, c’est un soutien à des projets supracommunaux et locaux estimé à 17 millions d’€ chaque année, c’est aussi une implication dans des projets d’envergure essentiels au redéploiement des territoires. Pensons au développement de la cité des métiers à Charleroi, à l’émergence du Negundo à Tournai ou à la création d’un pôle culturel à La Louvière. La Province n’évolue pas (ou plus) de manière isolée sur son îlot : ses structures se sont adaptées aux réalités contemporaines et à la nécessité de travailler en synergie avec l’ensemble des opérateurs présents en Hainaut.
On ne réforme pas un tel potentiel de manière unilatérale.
Alors qu’il s’interroge légitimement sur son avenir, le personnel provincial a besoin aujourd’hui de rassurance. Il y va de l’intérêt du citoyen. Des projets provinciaux de tous ordres naissent et se développent en permanence et notre intention est de maintenir cette capacité d’innover qu’offre l’interaction entre les services provinciaux. Mais le cadre dans lequel ils le feront demain doit être, une fois pour toute, éclairci.
Sous peine de s’égarer dans des réformes en ordre dispersé, l’heure est venue de construire une gouvernance multi-niveaux. De vraies compétences complémentaires existent dans les communes et les provinces. Une vraie pertinence justifie l’émergence des territoires sur des domaines précis. Le devoir de la Wallonie est de réunir ces acteurs dans une large réflexion égalitaire sur le « qui fait quoi » au profit de la Région.
La responsabilité des élus n’est pas de défendre un pré-carré, quel qu’il soit, ou des stratégies partisanes mais bien d’assumer cette évolution, devenue aujourd’hui indispensable. L’amélioration de la gouvernance est un travail collectif permettant de retirer le meilleur de ce que chacun offre aujourd’hui. La Province a comme réel atout l’expertise de son personnel. Mais il serait réducteur de déclarer que de simples transferts de compétences suffiraient pour assurer la pérennité des services rendus. La proximité et l’ancrage dans les spécificités des territoires sont et demeureront essentiels.
La Province de Hainaut, pour sa part, poursuivra sa conduite de projets d’intérêt supralocal. Elle appliquera avec encore plus de rigueur l’efficience de son organisation politique en réduisant ses dépenses de fonctionnement et le nombre de ses structures de gestion.
Car rien ne serait pire que l’immobilisme. Dans le contexte de défiance du moment, il s’agit tout simplement d’une question de responsabilité…
L’essentiel, aujourd’hui, est de construire une dynamique nouvelle autour de la gouvernance locale. Pas en fustigeant l’un ou l’autre des acteurs mais en retirant de chacun le meilleur qui peut l’être. Emettons donc le souhait que cette attitude positive sera celle du prochain gouvernement wallon à qui il appartiendra de prendra les décisions les plus favorables à l’intérêt général en tenant compte des réalités de terrain.
Dans pareil contexte, notre Province est disponible pour participer, activement et sans tabou, à un véritable dialogue. Aucune volonté d’obstruction dans notre chef mais un désir de sauvegarder la qualité des services aujourd’hui rendus par le personnel des Provinces dans un mode de gouvernance renouvelé.
Pour qu’au bout du compte, au-delà des préjugés, le citoyen soit le gagnant d’une réforme sincère et concertée.
Serge HUSTACHE, président du Collège provincial du Hainaut
14 juillet 2017